Colin de Tonnac, artisan du temps
Ressusciter / Créer
En restaurant et redonnant vie à d’anciens mécanismes horlogers, Colin de Tonnac a bâti une nouvelle marque – Semper & Adhuc – dont l’esthétique révèle 6 modèles de montres uniques et au charme intemporel. Rencontre avec un artisan passé maître de l’«upcycling horloger ».
A la recherche du temps perdu
L’horlogerie française a le vent en poupe. Cherchant à contrer la suprématie suisse, une nouvelle génération d’horlogers français fait aujourd’hui valoir sa créativité. Parmi eux, Colin de Tonnac imagine à travers sa marque Semper & Adhuc – en latin « depuis toujours, et jusqu’ici » -, une collection de 6 garde-temps dessinés et assemblés dans son atelier du sud-ouest de la France et pensés « upcyclés ». « Je conçois des montres à partir de mouvements anciens orphelins, sans boîtiers ni bracelets, abandonnés par leurs propriétaires et que je chine dans les brocantes, les salles de vente ou sur ebay, tous originaires des années 30 jusqu’aux années 80. En restaurant ces objets du patrimoine horloger dans les règles de l’art, j’ai alors imaginé une nouvelle histoire, pensé à un nouvel habillage. Une collection de montres neuves est née contenant en leur cœur des mécanismes d’autrefois ».
Lancés en 2018, ses premiers modèles déclinés « classique » ou « originale » parient sur une esthétique sobre aux détails contemporains. L’Instantanée s’inspire des cartes du ciel tirées de gravures anciennes et affiche ses chiffres en lettres. D’autres à l’instar de l’Inopinée reprennent les codes classiques de l’horlogerie et laissent apparaître un cadran en noir et blanc à la manière d’une partition musicale. Les formes varient, d’un boitier rond à ovale au modèle « coussin » dévoilant un cadran sobre et aéré et réduisant les indications de temps à leur strict essentiel. Toutes témoignent d’un goût de l’intemporel. « Je crois à l’élégance par la discrétion, c’est ma signature » explique le créateur.
De Légo à Patek
« De l’entomologie – l’étude des insectes – au modélisme, l’échelle du tout petit m’a toujours intéressé. Petit, je rêvais un jour de devenir ingénieur chez Légo. Quelques années plus tard, la lecture des Confessions de Jean-Jacques Rousseau m’enseigna que son père était horloger. Dans la recherche de l’infiniment petit, l’horlogerie est devenue ma nouvelle passion ». Un BAC en poche, il part se former à Morteau, dans l’est de la France, et part faire ses armes chez Patek Philippe, maison de luxe familiale genevoise réputée pour ses garde-temps de très haute qualité. L’apprenti-horloger enchaîne les postes, d’abord au support des ateliers de production puis comme technicien de laboratoire horloger, là où s’assemblent les prototypes, se réalisent tests et homologations des futures montres mises sur le marché.
« L’obsession de tenter quelque chose m’a vite rattrapé. A l’heure du financement participatif et de la communication en ligne, je me suis lancé ». En 2016, Colin de Tonnac quitte donc la Suisse et Patek Philippe et retourne sur ses terres landaises où il emménage dans un premier atelier. « Semper & Adhuc est né au moment où le « made in Suisse » perdait un peu de son monopole et où une nouvelle génération croyait, comme moi, au renouveau du made in France dans l’horlogerie. Les collectionneurs ont commencé à ouvrir les yeux sur d’autres créations et d’autres provenances. Même si la Suisse trustait encore le marché, d’autres pays tels l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, les Etats-Unis ou Hong-Kong venaient bousculer les idées reçues et proposer du sang frais ».
La French Touch
Aujourd’hui installé à Labouheyre, un petit village de Gascogne, Colin de Tonnac ouvre son atelier aux visites des clients comme aux curieux. « Un atelier hybride, entre artisanat et science-fiction, où mes tiroirs conservent les mêmes outils qu’il y a un siècle, où s’empilent les vieux mécanismes chinés ici et là, et où la haute-technologie prend aussi sa place ». Comme sortie de l’espace, une imprimante 3D permet de réaliser les pièces manquantes, celles qui viendront faire le lien entre le mouvement et le reste du boîtier et qu’il est possible de penser et de fabriquer en moins d’une journée. « Le métier et les outils évoluent dit-il, la conception d’une montre, elle, change peu ».
Partisan d’une production raisonnée – environ 60 modèles de montres sortent de son atelier chaque année -, Colin de Tonnac mise sur la relation personnelle. « Mes montres ne sont pas vendues en magasin derrière une vitrine, explique-t-il. Je crée mes modèles à la demande, je les personnalise et je suis à l’écoute de l’histoire de mes clients, français et américains en majorité, de plus en plus sensibles à la création française, et qui voient en Semper & Adhuc la marque d’un artisanat rare, aussi romantique, me disent-ils, que la haute-couture ».
Retrouver les montres Semper & Adhuc sur www.semperadhuc.fr